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Je te réponds sur plusieurs points, n'y vois aucune agressivité, mais une certaine radicalité dans l'éducation libre et positive. J'en suis même à imaginer une folle reconversion dans ce domaine. Je saute donc sur toute occasion d'approfondir mes connaissances, de polir mes arguments et de consolider mes convictions.
>J'attribuerais cet écueil à la modernité et à "l'industrialisation" de l'éducation.
Surtout l'éducation nationale française, qui est obstinément magistrale malgré son inefficacité proverbiale. En Allemagne, pour ne citer qu'eux, les cours n'ont lieu que le matin, ce qui laisse l'après-midi pour des ateliers d'approfondissement dans les matières souhaitées par l'élève. Et même les cours du matin ne sont pas aussi "verticaux" que ceux en France ; l'enseignant fait un constant travail d'adaptation grâce à un mécanisme de rétro-feedback fédéralisé et éprouvé depuis des décennies.
>D'un autre coté, "l'éducation" (au sens moderne) est la variable la plus déterminante du futur matériel de l'enfant, et sa standardisation réduit considérablement les disparités de classe qui sont traditionellement perçues comme des inégalités.
La nature n'est florissante que dans l'inégalité anon. L'égalité n'existe pas, et il est même juste et bon que les hommes soient inégaux entre eux. Un projet civilisationnel qui cultive, entretient et chérit ses têtes qui dépassent est de loin préférable à un autre qui s'obstine à enseigner l'algèbre à des bas-de-plafond. Le collectivisme, quel que soit son degré d'application, n'est profitable à personne. Le génie sera tiré vers le bas par la majorité, et les simplets ne retiendront leurs leçons que parce qu'ils y sont forcés.
En définitive, seul le résultat compte : que chacun trouve sa place, dans un système qui valorise le travail de tous pour l'intérêt supérieur commun. Un jardinier qui n'en a rien à foutre des équations du second degré mais qui embellit le quartier sera toujours plus utile à la communauté qu'un spéculateur en bourse expert des analyses en composantes principales, et dans un système axé sur la justice sociale et le bien commun, l'un sera bien mieux récompensé par la société que l'autre.
>La justce mesure n'est pas facile à trouver entre un dirigisme suffisemment rigide pour assurer un minimum souhaité de réussite matérielle et assez de souplesse pour atténuer la charge de l'éducation sur les parents et maximiser la responsabilisation et la liberté d'expression de l'enfant.
L'éducation, comme le reste, doit être libre. A l'extrême rigueur, on pourrait fixer une base qui serait de savoir lire, écrire et compter. Mais après cela, c'est à l'enfant de choisir d'apprendre, ou pas. La rigidité, ou pire, la sévérité, est la mère des névroses plus ou moins tardives. Alors qu'un enfant libre a naturellement confiance en lui, en la vie, en son destin.
Dès lors, la seule vraie responsabilité des parents est d'entretenir cette liberté, naturelle et innée, dans le coeur de leur progéniture et de la lui garantir tout au long de l'enfance. Car plus on insiste dans la sévérité, plus on tarde à laisser l'enfant libre, plus il va mettre de temps à corriger le tir, dans le sens de mettre à profit cette liberté retrouvée à bâtir son avenir. Un enfant de 10 ans éduqué de manière dirigiste et placé dans un environnement de totale liberté peut mettre plusieurs mois, voire des années, avant de décider de lui-même d'aller en cours.
>Je n'arrive pas à concevoir de meilleure solution que la bienveillance et l'altruisme d'une mère dévouée à ses enfants.
Je rends grâce à ces belles paroles.
Le plus étonnant, et j'en profite pour reprendre la main, c'est que ce mode d'éducation libre était la norme autrefois, comme tu l'as très bien dit. Si bien que, lorsque l'on questionne les peuplades isolées des Inuits, ou des villages reculés d'Amérique du Sud, dont les enfants sont accomodants, paisibles et participent spontanément à la vie de la maison, sur leurs méthodes éducatives, on découvre avec stupeur que c'est nous (enfin, nos ancêtres) qui leur avons appris à éduquer leurs gosses.
Alors que s'est-il passé ? "l'industrialisation de l'éducation", comme tu dis, n'est pas une cause mais une conséquence selon moi. En effet je prétends, pour ma part, que la cause première de cet effondrement du potentiel de nos enfants est la conscription. Je m'explique.
Autrefois, la guerre était une affaire de nobles et de mercenaires. Les paysans en étaient globalement épargnés, sauf quand les Anglois faisaient des raids dans les villages mais c'est un autre sujet : verser son sang pour défendre le territoire était un privilège d'une caste bien identifiée de la population.
Avec la conscription, tout individu vivant sur le territoire national devint un soldat. Le résultat fut catastrophique au niveau anthropologique. J'avais lu quelque part que la taille moyenne d'un Français avait chuté de 5cm pendant les guerres Napoléoniennes. Mais outre la perte nette sur la qualité du pool génétique, c'est la qualité des hommes qui a radicalement chuté : avec les guerres qui se sont enchaîné durant le XIXe et le XXe siècle,une part de plus en plus croissante de la population masculine s'est retrouvée dans une de ces trois catégories : vétéran de guerre, réformé ou mort au combat. Une fois le conflit terminé, les conséquences sont dantesques.
La première catégorie inonde la population civile d'estropiés, d'handicapés mais surtout de traumatisés par la guerre.
La seconde catégorie préserve, dans la population civile, les tarés, les impotents et les fous.
La troisième catégorie crée des orphelins.
Maintenant, imaginons un instant ce que devait être la vie d'un enfant dont le père fait partie d'une de ces catégories. Brutalité, colère, désespoir, violence, alcoolisme, sévérité, abus en tout genre, sans compter l'orphelinat ou le travail forcé pour remplacer la main-d'oeuvre manquante. Et une fois adultes, comme tout être humain, ils tendent à reproduire ce qu'ils ont subi.
Et que dire des femmes, mariées à de tels maris ? Comment leur reprocher de vouloir s'en émanciper ? Comment nier l'évidence de la nécessité du féminisme après que la Commune, la Bérézina ou le Chemin des Dames ait arraché le meilleur de leurs hommes à des femmes démunies ?
Forcément, avec les générations d'enfants battus, dégradés, abandonnés ou, pour les plus chanceux, élevés par une mère seule, qui se sont succédées, l'Etat devait réagir, et il a, comme pour toutes les prises en charges par l'Etat de faits relevant du privé, magistralement foiré tout ce qu'il a entrepris : éducation nationale dirigiste, stricte, uniforme et standardisée dans le but de remplacer une parentalité déficiente. Cette prise en charge par l'état, par l'application générique et obligatoire d'une discipline qui ne manquait initialement qu'à une partie minoritaire de la population, n'a fait que répandre le cancer névrotique de l'enfance volée chez des enfants qui, ayant des parents bienveillants, auraient pu en être épargnés.
Je l'affirme : la conscription est l'ingrédient fondamental de la dégénérescence de notre civilisation, et l'éducation occidentale en générale, nationale Française en particulier, n'en est qu'une suite logique.
Certains pensent que nous règlerons cela en ne faisant plus d'enfants. Ce n'est pas mon cas. Nous nous sommes incarnés ici-bas pour relever un défi, parce que nous en sommes capables. Le devoir de ma génération, éduquée par des boomers nés d'une succession d'aïeux mutilés par la guerre, est de mettre un terme à ce cercle vicieux, cette boucle infernale qui nous pousse inexorablement vers l'abîme. Nous devons faire naître une nouvelle génération d'enfants préservée de cette maladie nihiliste qui ronge notre sang, et lui insuffler ce qui reste en nous, collectivement, de grandiose, pour que renaîsse, dans ce monde qui sombre, l'esprit Européen comme le Soleil chasse l'obscurité.