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J'avais rejoint notre point de rendez-vous habituel, un petit centre commercial à deux pas de chez moi, ce dimanche après-midi. Depuis notre première rencontre dans la remise du salon de coiffure, le regard des hommes sur moi avait changé. Je remarquais des contacts visuels discrets mais répétés, qui se transformaient immédiatement en gêne quand mes yeux noisette innocents et impassibles les prenaient sur le fait. Certes, j'étais devenu plus à l'aise avec les vêtements courts et moulants, mais je ne m'y risquais pas autour de chez moi, ou de tout endroit où je pouvais être reconnu. Là, c'était autre chose. Je devais dégager une aura de lasciveté.
Il faut dire que les semaines précédentes, Dominique et moi avions multiplié ces instants volés. Il y avait eu ce midi dans sa voiture, stationnée à l'ombre d'arbres isolés, qui m'avait laissé un goût salé de désir accompli tout l'après-midi au lycée. Ou cette autre fois, lors d'une séance de cinéma en pleine lumière tamisée où, en quelques instants, il s'était abandonné, son souffle court trahissant l'intensité de son plaisir, tandis que je recueillais tout sans un bruit. Et aussi cet autre soir dans les toilettes d'un restaurant chic où, l'urgence du lieu ayant ajouté une pointe d'interdit, mon avidité secrète avait été satisfaite en un temps record. Ces délicieuses récréations avaient fait naître de nouveaux réflexes dans ma façon de voir les hommes, et je suppose que, déjà, cela devait transparaître dans mon attitude.
Ainsi, alors que je soutenais effrontément le regard d'un homme marié qui me fixait à travers les interstices d'un présentoir de cartes postales, Dominique, le regard noir, s'immisca dans mon champ de vision avant de s'éloigner. Je m'empressai de le rejoindre.
Il se dirigea promptement vers le parking et ouvrit son 4x4 sans dire un mot. Il daigna enfin m'adresser un nouveau regard mais, en réponse à mon sourire discret et narquois, il souffla un "monte" en baissant les yeux. Je ne lui appartenais pas, et ça le torturait. Comme une dernière provocation, et puisqu'il était resté planté là, je m'appuyai sur son épaule pour grimper dans l'habitacle.
Je ne le savais pas encore, mais dans le silence du trajet qui nous séparait de sa maison, il préparait une vengeance qui allait me rendre toute ma docilité. Quand il m'ouvrit la porte d'entrée, son regard sombre, teinté de cette carnation café-au-lait qui le rendait si magnétique, balaya ma silouhette avec une intensité nouvelle. Dénudé par cette soudaine attention, mon corps, juvénile et imberbe, s'électrisa de la tête aux pieds. Je rougissai fiévreusement, submergé par l'envie de le recevoir pleinement. Je ne disais rien, comme toujours ; mes pensées affleuraient par le frémissement de mes traits angéliques, un haussement de sourcils pour l'appréhension, un battement de paupières pour l'invitation muette.
Il me mena sans un mot vers la salle de bain, son bras ceinturant ma taille avec une fermeté qui fit naître un frisson le long de mon échine. Brusquement, une ombre d'inquiétude plissa mon front ; il venait de sortir de l'armoire un tube fin et une poire. Je restai silencieux, mes lèvres pincées en une moue discrète. J'avais l'habitude de mes explorations solitaires, où je m'offrais à un objet froid et impersonnel, observant dans un grand miroir complice la façon dont ma chair pâle s'ouvrait, surprise à chaque fois de la douceur de ces sensations intimes. Mais avec lui, franchir cette ligne ? Mon cœur s'emballa, et je reculai d'un pas, mes yeux suppliants le priant d'arrêter, un 'Pas ça...' murmurant enfin de mes lèvres.
Ces mots anxieux étaient sa première victoire. Ses mains chaudes se posèrent sur mes épaules, et sa voix basse, presque un ronronnement, s'imposa à ma peur. 'Laisse-moi te choyer, Lou. Tu vas voir comme c'est doux.' Il me dévêtit avec une lenteur délibérée, ses doigts traçant des lignes invisibles sur ma peau lisse et immaculée, effleurant les courbes de mes hanches, les creux de mes cuisses, jusqu'à ce que je sois nu devant lui, vulnérable et frémissant. Une nouvelle protestation monta, 'Je ne suis pas prêt...', mais elle s'étrangla dans ma gorge quand son toucher s'insinua plus bas, et je sentis mon corps répondre malgré moi, une chaleur se lovant au creux de mon ventre. Être désiré ainsi, si profondément, me désarmait ; je n'avais jamais mesuré à quel point mon apparence délicate pouvait enflammer un homme comme lui, et cela me laissait pantois, comme si je découvrais une facette de moi-même à travers ses yeux affamés.