Notre position actuelle par rapport à l’architecture du IIIeReich, faite d’une grande proximité temporelle et d’une considérable distance idéologique, est à vrai dire la seule que la fiction ruiniste du national-socialisme, telle que nous allons l’étudier, ne se soit pas donné la peine de prévoir et d’imaginer. Nous sommes encore tout près du IIIe Reich, et pourtant nous vivons après lui, avec les conséquences que cela ne manque pas d’avoir sur le regard que nous portons vers cette architecture. Ou celle-ci s’offre désormais dans un relatif anonymat ou alors elle a connu ce que Françoise Choay qualifie d’anéantissement symbolique. Lorsque, entre ces deux extrêmes, elle existe dans un abandon révélateur, cette désaffection est encore trop légère pour se donner à lire, à même la structure des édifices, à l’aide de la théorie des ruines. Nous contemplons, là où la ruine s’annonce, comme au complexe de Nuremberg, plutôt que des voûtes effondrées, des marques qui ne sont pas à l’échelle de la démesure anticipée par la théorie de Speer: de simples meurtrissures de la pierre ou une graphie de lézardes qui n’ont rien des contours généraux échevelés ou du sublime effondrement des combles prévus par l’architecte. C’est peut-être en quoi la théorie des ruines de Speer rend particulièrement inconfortable. Elle rappelle que les grands édifices du Reich ne furent conçus, “ ni pour l’an 1940, ni pour l’an 2000 mais pour durer mille ans ”, comme le disait Hitler. Ce disant, le Führer pariai